Théâtre participatif pour stopper la guerre et la COVID19 à Rutshuru

Article : Théâtre participatif pour stopper la guerre et la COVID19 à Rutshuru
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25 mai 2020

Théâtre participatif pour stopper la guerre et la COVID19 à Rutshuru

Cher(e)s lecteurs(rices) vous vous demandez comme moi comment vivent les populations confrontées aux violences des groupes armés non étatiques en cette période complexe où l’humanité lutte contre la pandémie de coronavirus (COVID19). Un malheur est venu détrôner une souffrance, bonjour la misère extrême. Rutshuru, pourtant grenier de la Province du Nord-Kivu est l’un de six territoires longtemps touché par les conséquences fâcheuses des conflits récurrents dans la partie orientale de RDC. La population retient son souffle et peut espérer un avenir prometteur avec une génération résolument engagée à transformer les cris de douleurs en chants de bonheur.

Nous avions interviewé un jeune ambassadeur de la paix et du climat Joseph Tsongo, coordinateur de Amani Institute Asbl basé à Rutshuru qui fait partie de la nouvelle génération consciente des défis sécuritaires et sanitaires du moment dans la région et laquelle génération est décidée à écrire l’histoire glorieuse de la nation congolaise. Le Congo doit être fier des réalisations de l’organisation Amani-Institute et lui apporter un soutien concret.

Chantal Faida : Qui est Joseph Tsongo ? Quels sont ses rêves et ses craintes ?

Joseph Tsongo : Je suis un jeune homme bâtisseur de paix et activiste du climat basé au Nord-Kivu. Je suis né au milieu de la guerre un certain 14 avril 1994 dans le territoire de Rutshuru. C’était lors du génocide Rwandais qui a déversé des troupes armés dans l’Est de la RDCongo. Depuis, ma région connaît des cycles de violences et d’atrocités partant des mouvements rebelles FDLR, AFDL, RCD aux mutineries CNDP et M23. Au fil du temps, une mosaïque de groupes armés distincts et d’unités militaires corrompues ont été impliqués dans les conflits violents. Oui, nous avons vu des gens être tués ou violés et notre mental a de la sorte été forgé par la guerre. J’ai vu personnellement des jeunes gens de ma génération rejoindre, de gré ou de force, les rangs des groupes armés.

J’ai également été tenté d’y aller pour venger les miens, mais je n’ai pas pu parce que je n’aimerai pas agir dans la violence. En fait, je fonde mon engagement sur des expériences douloureuses auxquelles sont régulièrement confrontés les habitants de ma région et surtout les jeunes gens qui n’ont jamais connu la paix comme moi. J’aspire donc à un monde permettant à chacun de vivre dans la dignité et de développer ses potentialités : un monde solidaire sans violence ni guerre, un monde sans pauvreté et qui promeut les initiatives de la jeunesse, cela dans un environnement préservé. C’est mon rêve le plus fou et c’est pourquoi nous avons crée notre l’organisation Amani-Institute ASBL. Mes craintes ? Je ne sais pas mais dans mon Rutshuru natal ou dans toute la province du Nord-Kivu, la principale crainte, c’est de voir les jeunes gens sombrés dans l’oisiveté et se laisser manipuler. L’autre crainte, c’est le manque d’une éducation adaptée aux enjeux de l’heure !

Chantal Faida : Dites-nous l’état des lieux de la situation sécuritaire à Rutshuru, mais aussi décrivez-nous les protagonistes des attaques meurtrières et enlèvements récurrents de nos compatriotes.

Joseph Tsongo : En effet, le tableau sécuritaire de Rutshuru est généralement sombre. Depuis plus d’une décennie, ce territoire du Nord-Kivu a été ravagé par des conflits armés à répétition et des violences communautaires (avec une base tribalo-ethnique) qui se sont soldés par la mort des plusieurs personnes, les déplacements massifs des populations et la violence sexuelle de plusieurs femmes et jeunes filles. Ces derniers temps, des attaques ciblées et des enlèvements sont devenus récurrents parce que des jeunes gens désœuvrés, en ont fait un business florissant. C’est un peu comme un scénario de film : on vous prend en otage en plein milieu de la journée ou de la nuit, on use de la violence à votre égard et on utilise le téléphone portable pour le chantage…par après on vous libère vivant ou mort après versement d’une rançon !

Les principaux bourreaux sont des miliciens ayant pris d’assaut le parc des Virunga, leur dernier bastion. D’autres bandits sont notamment des jeunes gens oisifs, membres des communautés locales, travaillant sous la bénédiction de certaines autorités politico-administratives ou militaires de la région. 

Chantal Faida : Faire taire est l’engagement des autorités en place depuis plusieurs années. Quelle recommandation donnez-vous au gouvernement pour que la paix durable s’installe définitivement à Rutshuru en particulier et au Nord-Kivu en général ?

Joseph Tsongo : Comme un peu partout en République démocratique du Congo, le gouvernement congolais a tout d’abord l’obligation d’assoir son autorité sur toute l’étendue du pays. Et concrètement pour faire taire les armes dans le Rutshuru, j’ai deux ou trois propositions :

– Créer de l’emploi sans trop de conditions, en faveur des jeunes gens désœuvrés ou créer un environnement favorable à  l’éclosion ou le développement de leurs entreprises afin de les dissuader d’aller en brousse sur la base des promesses chimériques. 

– Investir dans une éducation adaptée aux enjeux de l’heure, prenant en compte notamment la santé mentale parce que beaucoup de jeunes gens semblent agir par émotions (sans raison) à cause des pires moments endurés dans la violence. C’est ici que notre association Amani Institute intervient par l’organisation des ateliers de théâtre forum participatif sous le style psychodrame pour amener les gens au dialogue et à la réconciliation en utilisant l’art comme la thérapie aux problèmes de traumatisme !

Chantal Faida : Votre organisation réalise un excellent travail de prévention de la transmission du virus COVID19 (le résumé est repris à la fin de l’interview). Selon vous, laquelle de toutes vos actions devrait être une référence pour les autres organisations de la société civile congolaise ?

Joseph Tsongo : Nous avons localement mis en place plusieurs initiatives dans la riposte au Coronavirus, mais celle qui peut-être facilement dupliquée ailleurs c’est la campagne « Tupone wote » (en swahili que nous guérissions tous) où nous prônons l’engagement et la responsabilité de tout le monde dans la prévention et la lutte contre le nouveau Coronavirus. Vous êtes sans ignorer que nous vivons au quotidien des divisions et des altercations entre les communautés locales…notre crainte était que ceci n’incitent les gens à adopter un comportement hostile pouvant mettre leur propre vie en danger. Ainsi, à travers la voie des ondes radiophonique ou sur la rue, nous essayons de concilier ou lier deux messages: « contre la pandémie Coronavirus, pour la solidarité et le vivre-ensemble » afin que nous puissions nous en sortir tous !

Chantal Faida : Une dernière question, quel livre aimez-vous lire et pourquoi ?

Joseph Tsongo  : En fait, j’aime souvent lire le livre intitulé: « Une vie motivée par l’essentiel » de Rick Warren, parce que j’aimerai savoir pourquoi suis-je en vie ou comprendre ma destinée…la question urgente et fondamentale de la vie !

Chantal Faida : Merci beaucoup joseph et courage.

Prospectus des réalisations de Amani-Institute dans le cadre de la prévention contre le coronavirus COVID19

Amani-Institute ASBL un mouvement socio-culturel des jeunes volontaires œuvrant pour la construction de la paix et du développement durable dans la province du Nord-Kivu et plus précisément dans le territoire de Rutshuru. 
Ici, nous vous parlons juste de notre travail dans la prévention et la lutte contre le nouveau Coronavirus dans un contexte des conflits et de crise humanitaire, mais en tant qu’une association à but non lucratif, nous intervenons dans plusieurs domaines que vous aurez à découvrir à partir de notre site web: www.amani-institute.org

Dans le cadre de la lutte contre la COVID19 :
1. Nous avons confectionner un petit guide de conduite en confinement contenant plein des conseils pratiques sur quelles activités mener pour aider les membres des communautés locales à s’en sortir sans trop de soucis…parce que nous vivons dans une région au contexte vraiment complexe avec la perversion morale et l’activisme des groupes armés !
2. Nous produisons et diffusons des programmes radios diffusés tel que des spots et autres feuilletons radiophoniques pour mobiliser les communautés locales contre le nouveau Coronavirus !
3. Nous organisons chaque semaine des descentes dans les rues de notre agglomération, dans les villages environnants et dans les campements des déplacés pour leur sensibiliser sur les mesures d’hygiènes, la solidarité et la communication non-violente en cette période de crise. Dernièrement nous avions offert un dispositif lave-mains et quelques tiges de savons aux populations déplacées vivant dans un campement de fortune à Rwasa !
4. Nous nous intéressons également aux personnes vulnérables dans notre campagne de sensibilisation et ainsi, nous faisons des dessins et des affiches imprimées avec comme message « Ngisi yaku jikinga na virusi Corona » (en swahili comment se protéger contre le coronavirus) pour l’intérêt des enfants et des sourds-muets par exemple !
5. Nous avons aménagé un jardin potager dit  » Shamba la Matumaini  » (champ d’espoir) pour ravitailler les personnes vulnérables en cette période de crise notamment celles du troisième âge et les femmes survivantes de violence sexuelle qui sont généralement membres de nos groupes de dialogue ! 
6. Nous avons collectionné quelques livres en dur et électroniques, des séries vidéo ou dessins animés édifiants qui sont disponibles à notre bureau et que les jeunes gens viennent récupérer de temps à autre pour capitaliser ce moment de confinement à la maison afin éviter l’oisiveté chez ces jeunes gens et dissuader certains d’aller rejoindre leurs pairs dans les rangs des groupes armés !
7. Nous organisons déjà des recherches sur les conséquences du Coronavirus sur la vie des enfants, des jeunes et celle des femmes vivant dans un contexte des conflits et de crise humanitaires; mais aussi, il y a des leçons que apprenons de cette crise et nous en parlerons à la fin. 
8. Nous sommes des temps en temps invités par les radios communautaires locales pour parler de notre travail et surtout du guide de conduite en confinement et la gestion des stress…
9. Nous préparons déjà l’après Coronavirus, la sortie de cette crise avec beaucoup de chocs surtout psychologiques et sociales, qui s’ajoutent à un mental déjà forgé par la guerre et les violences communautaires…et nous pensons qu’il sera plutôt mieux d’utiliser le théâtre forum participatif sous le style psychodrame pour amener les gens à se ressaisir à demeurer plus résilients pour guérir le choc émotionnel favoriser le vivre-ensemble !

Voilà, en quelques points ce que nous faisons déjà et ce que nous comptons faire en tant que Amani-Institute ASBL. Pour rappel, nous sommes tous des jeunes volontaires et nous travaillons grâce aux petites contributions locales mais aussi, nous mettons en valeur nos forces et esprits créatifs pour réaliser nos objectifs parce que nous sommes unis dans la diversité !

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