La paix en RDC, « je ne l’ai pas connue en 24 ans »

Article : La paix en RDC, « je ne l’ai pas connue en 24 ans »
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21 septembre 2016

La paix en RDC, « je ne l’ai pas connue en 24 ans »

Journée Internationale de la Paix, billet collectif des blogueurs congolais.

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La paix : que faut-il en dire en République démocratique du Congo où, depuis 20 ans, la guerre déchire de nombreuses familles et les endeuille ? Qu’est-ce qu’il faut en dire devant le chômage toujours plus fort et les épidémies encore invaincues ? La liste est longue ! A l’occasion de la célébration de la journée internationale de la paix initiée par l’ONU, des jeunes congolais expriment ici leurs pensées sur la paix.

Le journaliste et blogueur Fidèle Bwirhonde de Lubumbashi perçoit les enjeux de paix bien au-delà des tirs des canons. Il faut, en plus, des écoles pour les élèves et des emplois pour les parents. En bref, une paix sociale. « La paix, promesse éternelle, ne devrait plus être que l’absence de la guerre. Sinon, on dirait que Lubumbashi est en paix ou que telle femme violée par sa propre armée serait en paix plus qu’un réfugié qui a fui la guerre. Non, ce fils de Beni ne verra pas la paix tant que deux camps s’opposeront au nom de la paix. Cette paix, nous la connaîtrons quand le dirigeant comprendra qu’il n’est pas éternel ni indispensable et qu’il prêtera enfin oreilles aux vrais cris du peuple. »

A 24 ans, il n’a pas connu de paix

Le journaliste et blogueur Blaise Ndola de Goma, dans la très meurtrie province du Nord-Kivu, donne un témoignage poignant : « J’ai 24 ans et incarne le sentiment de toute une génération marquée par le manque de la paix. » Il poursuit, désespéré :

« Etouffée par les bruits des balles, des bottes des militaires, des pas et cris des réfugiés et déplacés, la paix est une affaire d’autres pour toute ma génération. Là où les balles ne crépitent pas, la famine et les maladies tuent aussi que les armes. Si nous avons hérité de l’absence de paix de nos parents, nous n’avons pas le droit de faire la même erreur pour nos enfants. Nous avons tous le droit de vivre libre dans un pays où tout le monde aura le droit de rêver, de planifier pour le long terme et de bâtir fort et durable sans crainte d’un lendemain troublé. »

Mais Blaise croit en un lendemain qui chante et écoute encore cette parole de Patrice Lumumba, premier chef du gouvernement de la RDC : « Les rives du grand fleuve, pleins de promesses sont désormais tiennes. Cette terre et toutes ses richesses sont désormais tiennes,… et tu feras du Congo, une nation libre et heureuse, au centre de cette gigantesque Afrique Noire ».

Jean-Chrysostome Tshibanda, slameur et enseignant de français, a l’âme en peine lorsqu’il faut dire paix. Bien plus, c’est l’explosion de révolte au fond de son cœur lorsqu’il pense à la paix qui manque :

J’aurais voulu prier, mais si grande est ma peine
Que, bien au contraire, j’ai envie de pleurer.
Dix millions de morts, est-il vrai que c’est rien dans la pensée humaine ?
Dix millions de morts, qu’est-ce que c’est ? C’est rien,
Ce sont des Congolais, qui n’ont pas les moyens
De réclamer vengeance à la face du monde
qui, d’ailleurs, se moque de pareille demande.
Dix millions de morts, qu’est-ce que c’est ? C’est rien.
Ô pauvres Congolais, qu’on prend pour des vauriens !
S’il faut satisfaire la soif de la richesse
D’un seul individu, faudra-t-il que sans cesse
plusieurs fanatiques s’entretuent bêtement ?
Or même les bêtes agissent autrement.
Les animaux qui sont d’une semblable espèce
ne s’entretuent pas : ont-ils plus de sagesse ?
De quelle espèce es-tu, toi qui tues des humains,
toi qui tues tes semblables sans être plus malsains ?
C’est pas la frontière qui divise les hommes.
C’est le manque d’amour qui provoque les drames.
Il faut concilier tous les pays voisins.
C’est un gage de paix, nous en sommes certains.
Enterrer les conflits s’impose à cet effet.

« On est habitué à vivre sans paix »

Presque lassé, Thierry UWAMUNGU de Kigali au Rwanda rappelle que la paix est un droit pour l’homme. « Des plus belles paroles ont déjà été dites contre la guerre et des grands hommes de paix ont servi de très bons exemples. Mais chaque jour, on attend des nouvelles tragiques des pays en guerre, des affrontements, des bombardements, etc. On est habitué à vivre sans paix. Où est donc passé notre droit à la paix? Travaillons tous à son émergence par le respect de la dignité de chaque être humain, de chaque peuple, de chaque nation, de chaque État. Et si on commençait par son prochain? Collègue de travail, voisin du quartier ? Moi j’ai décidé de commencer et toi? »

« Transformons nos peines en forces »

On ne présente plus Chantal Faida Mulenga-byuma, journaliste et blogueuse, présente dans plusieurs actions de jeunes pour la paix et le progrès social. Malgré la peine que lui inspire l’absence de paix – deux décennies déjà! – elle n’éteint pas la flamme d’espoir et invite au courage. « Transformons nos peines en forces. » Voici son propos : « Un millier de déplacés internes vivent le calvaire innommable à cause des conflits violents en RD Congo, il y a deux décennies. De Masisi en passant par Rutshuru et Béni, la paix durable, gage du progrès social, est loin d’être un mode de vie pour les habitants de ce territoire. Ces échecs sont pour nous des leçons précieuses. Pour moi, la paix c’est le symbole de gloire, car elle rend la dignité jadis arrachée à l’humain. J’invite à la tolérance dans l’échange d’idées, l’émulation dans l’action pour la paix.»

Concluons avec cette pensée de Paola Nzey, Congolaise qui vit en Afrique du Sud depuis un an : « La paix est un petit mot mais d’une grande valeur et, plus qu’indispensable dans la vie humaine. Nos familles, nos sociétés en ont besoin! En cette année de Miséricorde (Eglise catholique), nous voulons et désirons, de tout notre cœur, vivre cette Paix en RDC! »

Publié précédemment sur le Blog hors pair de Didier Makal

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