RDC : le parc national des Virunga bientôt un site pétrolier ?

23 mai 2014

RDC : le parc national des Virunga bientôt un site pétrolier ?

Buffles et éléphant dans le parc des Virunga, Nord-Kivu, 2004. Credit: droits tiers
Buffles et éléphant dans le parc des Virunga, Nord-Kivu, 2004. Credit photo : radio Okapi

Créé en 1925 et classé parmi les plus anciens parcs d’Afrique, le parc national des Virunga, situé dans les massifs montagneux de la province du Nord-Kivu, est une aire protégée de la République démocratique du Congo (RDC). Mais pour combien de temps encore ?

Lieu idéal de tourisme de par la complexité de son paysage, la diversité de sa faune, sa flore, les poissons du lac Édouard, cette immense réserve de gorilles, d’éléphants et d’hippopotames est aussi un site archéologique où l’on a découvert la première calculatrice du monde ! Le parc national des Virunda représente un vaste poumon d’oxygène nous protégeant contre le réchauffement climatique.

Entre l’or noir et l’économie verte, un choix difficile
L’Institut congolais pour la conservation de la nature, l’ICCN, est le gestionnaire des aires protégées en RDC qui s’emploie à réduire les risques multiples qui menacent le Parc national. Le braconnage, l’agriculture abusive, la pêche illicite et destructive dans le lac Édouard, la destruction des forêts par la carbonisation et la présence d’une dizaine de groupes armés sont déjà dans le collimateur de cet institut.

Mais à cela s’est encore ajoutée depuis 2010 une menace, et pas la moindre : la découverte du pétrole dans le bloc 5 du graben Albertine. La firme britannique SOCO International a obtenu du gouvernement congolais un permis d’exploration, ceci en attendant la phase d’exploitation proprement dite.

« Les poissons sentent le pétrole »
« Le parc national des Virunga, cette merveille du monde, est notre fierté, notre source de vie. Pour rien au monde, nous ne concéderons cette destruction de l’environnement à grande échelle. » Tels sont les propos de Raphaël Kasereka du SAP, le Syndicat Alliance Paysans. Visiblement mécontent, il témoigne : « J’ai visité un pétrolier au Congo, les poissons sentent le pétrole, les herbes sèchent et il fait très chaud là-bas. Une catastrophe environnementale sans précédent. Non à l’exploration du pétrole dans le parc national des Virunga. »

Contre le gré des riverains et de plusieurs ONG, l’ambiance sur les terrains est aux travaux préparatoires de la société SOCO, militarisée jusqu’aux dents pour éviter la colère des intrépides militants environnementaux. Les langues se délient pour condamner cette décision unilatérale du gouvernement congolais au regard des risques énormes encourus par la mise en œuvre de ce projet

Pas de consultation préalable à la base
Selon Kambale Kivukiro, pêcheur à Rutshuru, « il n’y a pas eu consultation à la base avant l’octroi de ce permis d’exploration. À-t-on évalué les incidences humaines et environnementales fâcheuses qui découleront de cette activité ? Les dividendes hors normes des activités industrielles ne doivent pas primer sur la vie de milliers de gens. »

Il ajoute qu’il y a un déséquilibre entre ce que la société SOCO promet de redistribuer à la base dans des projets communautaires chaque année, et ce que les pêcheurs exploitent annuellement : « 300 000 dollars US contre deux millions de dollars US de revenus de la pêche par an. Il y a anguille sous roche », a-t-il martelé.

Le réveil des Virunga, une vidéo produite par le parc national des Virunga

L’air pur que nous respirons n’a pas de prix
Interrogé sur l’apport de l’ICCN ainsi que de ses partenaires dans le développement socio-économique des populations riveraines du parc national des Virunga face à la menace imminente d’exploration du pétrole, le directeur provincial de l’ICCN au Nord-Kivu, Emmanuel Demeraude, répond sans ambages : « Je suis conscient que beaucoup reste à faire, mais à notre actif, on peut noter : la construction de neuf écoles, un centre de santé, une centrale hydroélectrique à Mutwanga, 20 km de pistes réhabilitées, une adduction d’eau à Rumangabo, un équipement de générateurs thermiques à Goma. Beaucoup d’autres grands projets de développement sont en attente d’exécution suite à l’instabilité récurrente du milieu. »

Abondant dans le même sens, le directeur général a.i. de l’ICCN, Comas Wilungula martèle : « Le parc national des Virunga est notre patrimoine. Notre mission est de faire respecter les lois du pays. S’assurer que toute activité se fait dans le respect de la législation congolaise. L’air pur que vous respirez n’a pas de prix. Vous avez des vies à protéger, en protégeant le Parc. »

Promesses alléchantes
Sur le terrain, on constate une forte résistance de la population quant à l’intrusion de ladite société pétrolière. Malgré des promesses alléchantes de développement du milieu environnant le parc et de création de milliers d’emplois, les habitants restent catégoriques. Un analyste indépendant rencontré à Goma nous a confié dans l’anonymat que la société SOCO soudoierait certains notables des milieux avoisinant le parc national pour s’assurer de leur sympathie en vue de la matérialisation de leur dessein. « Tout porte à croire que la bonne gouvernance des ressources naturelles fait défaut au Congo », ajoute-t-il.

Quel est l’objectif poursuivi par le gouvernement congolais dans la recherche de pétrole ? « Évaluer les potentialités de la RDC en ressources pétrolières sans porter préjudice à la nature », répond Crispin Atama Tabe, ministre congolais des Hydrocarbures en poste à Kinshasa. D’aucuns s’interrogent, dans le cas où l’exploration révèlerait une réserve immense de pétrole dans le parc. Quelle sera l’attitude du gouvernement qui clame haut et fort qu’il se limitera à l’évaluation des richesses de son sol et sous-sol ? Affaire à suivre…

Cet article a d’abord été publié sur le site de la RNW.

https://www.rnw.nl/afrique/article/rdc-le-parc-national-des-virunga-bient%C3%B4t-un-site-p%C3%A9trolier

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