RDC : J’ai eu le privilège de voyager avec le brave Luc Nkulula

Article : RDC : J’ai eu le privilège de voyager avec le brave Luc Nkulula
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21 juin 2018

RDC : J’ai eu le privilège de voyager avec le brave Luc Nkulula

Citoyen exemplaire, d’une énergie positive incroyable, Luc Nkulula était un leader né et déterminé. On n’a pas fini de rendre hommage à cette icône de la lutte non violente en RDC.

La date du 10 juin 2018 est devenue mémorable : ce jour a vu la disparition physique d’un héros de notre temps, la naissance au ciel d’une âme généreuse. Les morts ne sont pas morts ils sont dans nos souvenirs fabuleux, vivaces et permanents !!!

Luc et ses compagnons lors de l’action de solidarité à la suite des pluies mortelles à Kalehe en 2014

Retour sur les faits qui resteront sacrés aux côtés d’un monument historique de notre lutte :
25 Septembre 2014, dans les Territoires de Masisi et de Kalehe, respectivement dans les villages de Bweremana et de Rambira. Des pluies diluviennes emportent une centaine de vies humaines, jettent à la rue près de 100 ménages et endommagent plusieurs écoles, hôpitaux et marchés. Une inondation tragique comme jamais on n’en avait vécue.

Luc Nkulula et quelques jeunes engagés pour le changement – moi compris – ne restent pas bras croisés. Ils décident de lancer une action de solidarité pour récolter une aide d’urgence pour les populations sinistrées. Une semaine après, le 1 novembre 2014, une enveloppe considérable de fonds est réunie, vivres et biens non périssables sont récoltés auprès les ménages de Goma et d’ailleurs grâce à des levées de fonds sur internet. Coordonnée depuis la ville de Goma, la société civile donne un pick up. Un mini bus est aussi loué, le tout pour transporter 36 acteurs de changement disponibles de Goma à Kalehe.

Luc est totalement impliqué. Le convoi part vers 9h, et tout au long du trajet, il rappelle l’objet de l’action à certains jeunes qui ont plutôt l’air excités à l’idée de faire un voyage touristique avec canne à selfie, de vivre un dépaysement inoubliable dans la campagne de Kalehe. Oh que nenni, répète Luc avec insistance : l’heure est au deuil et à la recherche des solutions pour la protection des citoyens, ainsi que de leurs biens.

Le voyage se transforme un colloque intello. Des auteurs scientifiques célèbres sont cités, un grand débat est ouvert à propos des grandes priorités environnementales du pays. Une petite pluie s’invite pour démaquiller les visages des filles – que dis-je, la petite pluie est venue renforcer la solidarité de ceux qui étaient à l’arrière du pick up, et qui ont demandé aux filles de se mettre à l’abri dans la cabine du véhicule. 7 heures de voyage sur une route en terre battue, nids de poule par ci et gros trous par-là… On n’a pas vu le temps passer grâce au grand débat patriotique qui a marqué nos esprits.

Arrivés sur le lieu, les 36 humanitaires de circonstance se sont inclinés devant la montagne de couches de sable et de pierres qui avaient enseveli 100 personnes de tous les âges. Une chorale était en répétition, le samedi du sinistre. J’imagine qu’ils chantaient en chœur quand des grosses pierres ont détruit la salle de classe où ils étaient réunis. Leur chant résonnait très loin aux abords du Lac Kivu, couvert de petites vagues et séduit par les couchers de soleil. Les larmes ont coulé dans nos cœurs. La minute de silence fut observée. Une courte prière, le temps de consoler les familles des victimes. Puis vint le moment de trouver où se reposer à la tombée de la nuit.

Arrivés dans le centre de Kalehe, nous sommes logés dans un motel de la paroisse catholique grâce à la diplomatie de certains d’entre nous. Il est 20h quand on nous informe qu’il n y a rien à manger sur place et qu’il nous faut préparer quelque chose nous-mêmes. Luc le brave accepte l’idée, et ensemble, accompagnés d’un guide, nous allons chercher à manger pour l’équipe d’humanitaires dont le ventre est creusé.

On nous conduit loin dans les collines acheter une chèvre et de la farine de maïs. Arrivés dans la maison du vendeur, quelle ne fut pas notre déception quand sa femme nous révèle que seul son mari était autorisé à effectuer une vente et qu’à cet instant, son mari était sorti. 20h, 21h, 22h, la patience s’impose… fatiguée d’attendre, je somnole dans la chaise tandis qu’au loin dans mes rêves j’entends Luc continuer à parler du Congo et de son avenir radieux avec la femme du vendeur. La langue de l’endroit lui est étrange mais il trouve des paraboles pour donner espoir qu’un Congo Nouveau est possible avec notre génération. 22h37, on m’annonce l’arrivée du vendeur des chèvres qui est surpris de l’achat tardif de sa marchandise. Explication rapide est faite, la chèvre nous est livrée. Sur le chemin retour, Luc revient sur sa pensée d’un Congo de Gloire avec la contribution de notre génération. Il développe des idées sur comment propager l’idée de la lutte pour le changement dans toutes les villes et tous les villages du Congo. Extrêmement fatiguée, je ne fais qu’acquiescer de la tête pour le rassurer de mon intérêt à ses énoncés.

De retour au motel vers minuit Luc et d’autres vaillants soldats de la démocratie ôtent leur casquette de juriste, médecin ou économiste pour mettre l’habit de cuisinier. Nous, les filles, on s’occupe de faire le Ugali, foufou de maïs mélangé au manioc, et ce n’est qu’à 2h que tout le monde se met à table. Tout n’est pas consommé sur le champ, une partie est gardée. Et à 5h30, tout le monde est de nouveau debout.

On déjeune. On se répartit les tâches. Une équipe est constituée pour aller désengorger la route sur le lieu du sinistre et une autre est désignée pour aller présenter les civilités aux autorités locales. Le Mwami, Luc le diplomate et moi sommes de la partie. Nous sommes reçus et tout le long de l’échange avec les autorités, Luc tient un discours de consolation et y glisse des propositions de prévention et de gestion des catastrophes à développer localement. Que pouvons-nous faire pour épargner les vies humaines lors des prochaines pluies, voilà sa question. Le mwami répond : il fau(t reboiser les montagnes et délocaliser les maisons vivant sur les chemins des eaux torrentielles.

A notre retour à Goma, Luc, le brave rappelle dans la réunion d’évaluation qu’il est temps de lancer la campagne 100 francs pour l’achat d’un arbre pour sauver des vies.  Plusieurs centaines de milliers ont été rassemblés et une équipe est redescendue sur le lieu, …

Je retiens de son parcours le dévouement pour la cause sociale des congolais en général, l’engagement déterminé et pratique pour l’action concrète.

Ce qu’il pensait être bien pour les autres, il le faisait et avait foi que ça marcherait en dépit de la modicité de ressources. Nous devons toujours faire quelque chose !!!

Un vaillant soldat a quitté la terre des hommes mais il a montré l’exemple par son engagement à aider par tous les moyens possibles ses concitoyens à vivre le bonheur sur terre. Flamme de la liberté léguée par les pères de l’indépendance…
#LucNkulula wa Mwamba n’est pas mort, il est vivant en nous. Nous te pleurons en poursuivant ton combat digne.
Nous exigeons une enquête indépendante immédiate pour donner la lumière sur les circonstances de la disparition tragique de notre soldat de la démocratie !!! Ch.F

sur ce lien plus de détails sur l’action SOS

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